« J’ai longtemps eu honte de mes tentatives de suicide. Mais j’ai toute une vie pour me reconstruire »

Alice a 25 ans et « un CV aux allures de tableau impressionniste ». Discrète mais déterminée, elle se fait le porte-voix de ces jeunes qui, après avoir voulu mourir, sont désormais heureux de vivre. « C’est fou de me dire qu’il y a deux ans, je faisais ma quatrième tentative de suicide, observe-t-elle. J’ai longtemps considéré cette période comme un truc honteux, cauchemardesque. Aujourd’hui, je me dis que j’ai eu une maladie ponctuelle – une dépression – pas quelque chose que je vais traîner ma vie entière. En plus, je l’ai eue jeune, alors j’ai toute une vie pour me reconstruire ».
Sans banaliser ni héroïser, le journaliste a une responsabilité dans le récit d’un passage à l’acte. Des dizaines d’études ont démontré l’existence d’un phénomène de suicide par imitation : c’est ce qu’on appelle « l’effet Werther », en référence au roman de Goethe, Les souffrances du jeune Werther, dans lequel le protagoniste met fin à ses jours, en proie à un amour impossible. Suite à la publication de l’ouvrage, en 1774, les spécialistes avaient constaté une multiplication des suicides de jeunes hommes.
Mais ces mêmes mécanismes peuvent aussi, à l’inverse, promouvoir la prévention. C’est « l’effet Papageno » – d’après le personnage de l’opéra de Mozart, La flûte enchantée. Alors que Papageno envisage de se pendre, imaginant avoir perdu sa promise, trois génies l’invitent à réfléchir à une autre voie. L’évocation du suicide se révèle alors protectrice : il s’agit de rappeler que grâce à l’entraide et aux soins, une personne en grande souffrance peut s’en sortir.
Juste après le bac, Alice choisit d’étudier en Ecosse, mais prend part à « la grande culture de la fête et du “binge drinking” »
Avant de s’enfoncer « plus bas que terre », Alice était, selon sa mère, « une jeune fille enthousiaste, attachée à faire plaisir aux autres ». Pendant ses années de lycée, elle avait préparé les concours pour entrer à Sciences Po, passé son permis, travaillé l’été en tant que monitrice de voile, participé à une régate entre établissements… Juste après le bac, celle qui a grandi dans une famille d’expatriés (un père cadre et une mère formatrice) choisit d’étudier à l’étranger. Direction l’Ecosse, pour une licence bidisciplinaire, en histoire et littérature anglaise, à l’université de Glasgow.
« J’avais vécu aux Etats-Unis, au Brésil, j’avais l’habitude de m’adapter à différentes cultures, raconte-elle. Mais en arrivant, ça a été un choc auquel je ne m’attendais pas. » Pour s’intégrer à cette vie nouvelle d’étudiante, la jeune femme prend part à « la grande culture de la fête et du binge drinking » : « Je ne mangeais pas bien, je ne dormais pas bien, mes études passaient au second plan. »
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